
Épisode 1:
Emprunter de nouvelles voies dans les soins du VIH. Entretien avec le
Découvrez le parcours de personnes vivant avec le VIH à travers cet entretien captivant avec le Pr Matthias Cavassini. Approfondissez vos connaissances sur les défis, les victoires et les avancées révolutionnaires qui modèlent les soins du VIH.
Explorez les liens qui existent entre science, spiritualité et bien-être holistique lors de cet entretien qui vous invitera à la réflexion et à élargir vos horizons dans les soins de santé.
Transcription audio
David Jackson-Perry: Bonjour, je m'appelle David Jackson-Perry. Je suis coordonnateur des projets VIH au CHUV à Lausanne et vous écoutez le podcast Invisible qui met la lumière sur VIH dans tous ses états, autant social que médical. Bonne écoute.
Matthias Cavassini, infectiologue, médecin-chef de la consultation ambulatoire des maladies infectieuses ici au CHUV. Matthias, salut, un grand merci d'être avec moi aujourd'hui pour ce premier podcast dans la série Invisible.
Matthias Cavassini: Merci, David, pour l'invitation.
David Jackson-Perry: Matthias, toi qui travaille avec le VIH depuis presque aussi longtemps que moi je vivre avec, on a vu des changements ces dernières années.
Matthias Cavassini: Impressionnant, tout simplement spectaculaire. Alors…
David Jackson-Perry: Pour toi, en tant que clinicien déjà, les plus grands changements, c'est quoi?
Matthias Cavassini: Les plus grands changements si l’on monte 30 ans en arrière... j'étais étudiant en médecine, chaque fois qu'on parlait de VIH sida, ça me faisait un peu froid dans le dos puisque j'avais un très bon ami qui vivait avec le VIH et qui était en train de me raconter comme il est en train de se dégrader, de mourir bientôt.
David Jackson-Perry: On est dans quelle année-là?
Matthias Cavassini: On est au début des années nonante et cet ami va décéder en 1993. Et lorsque je deviens médecin, les premiers patients que je vois évidemment sont encore atteints de sida, ils décèdent, ils sont jeunes… Et lorsque je m'intéresse à une formation en maladies infectieuses, les trithérapies sont arrivées. Et en fait, les patients que je rencontre lorsque je suis en formation comme infectiologue vont bien déjà beaucoup, beaucoup mieux que quatre ans avant. Donc c'est une révolution.
David Jackson-Perry: Donc déjà entre quelque chose comme nonante-six et 2000.
Matthias Cavassini: Exactement, entre nonante-deux, où tout le monde avait une sentence de mort, et c'était vraiment très, très lourd, et nonante-sept, nonante-huit lorsque j'arrive aux maladies infectieuses, les patients vont déjà nettement mieux et en fait, le virus ne se voit déjà plus sur leur corps. Donc c'est une révolution en termes de thérapies, d'espérance de vie. Donc, oui, c'est un magnifique progrès, on passe d'une maladie mortelle à peut-être, on ne le sait pas encore, une infection chronique qui va en fait être dans l'organisme et où les gens vont vivre longtemps. Il faudra attendre quelques années pour qu'on y croit vraiment, en fait, qu'on a drastiquement changé l'espérance de vie.
David Jackson-Perry: Donc, parlant justement de cette espérance de vie, c'est une bonne nouvelle, on est d'accord. Et en même temps, qui dit longévité dit aussi vieillissement. Et j'imagine, enfin je sais de ma propre expérience, que vieillissement amène ses propres défis.
Matthias Cavassini: Oui, alors je dirais que là tu vas presque un peu trop vite, parce qu'avant le vieillissement, avec la révolution des traitements entre nonante-six et le début des années 2000, avant de penser au vieillissement, on pense à la toxicité des médicaments. Et moi, j'ai vécu ça de manière très forte dans le début de ma prise en charge des personnes vivant avec le VIH sous trithérapie, c'est qu'il y avait quand même des traitements qui étaient très toxiques, qui étaient mal tolérés en termes de tolérance, diarrhées, effets secondaires, fatigue, nausées, et c'était quand même très prévalant. Et il y avait cette fameuse lipodystrophie aussi que certaines molécules donnaient aux personnes vivant avec le VIH, ce qui était très stigmatisant pour ces personnes. Et donc le corps médical et les patients avaient une fatigue et une crainte de ces médicaments, de la toxicité. Donc ils ont eu les mauvaises idées ou la bonne idée, je ne sais pas comment on peut le regarder, prenons les choses positivement, la bonne idée de se dire, peut-être qu'on peut faire des arrêts de traitements, ces fameuses études d'interruption, et ça c'est l'idée du début de 2000, donc vingt ans en arrière. Et là il y a une deuxième petite révolution, c'est qu'on a réalisé qu'en arrêtant les traitements, alors qu'on voulait faire du bien aux personnes vivant avec le VIH, leur faire une pause thérapeutique, on espérait baisser leur valeur de cholestérol, on espérait y avoir moins d'infarctus, avoir moins de toxicité du foie, des reins. Et en fait, c'etait exactement l'opposé. On arrête le traitement, il y a plus d'infarctus, il y a plus de toxicité du foie, il y a plus de toxicité rénale, la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH est moins bonne. Et donc ça a été une deuxième petite révolution de se dire en fait, le VIH ce n'est pas que le sida. Et c'est là que je te rejoins sur le côté vieillissement, c'est que le VIH, lorsqu'on le traite pas, en fait, il fait une accélération du vieillissement des vaisseaux, des coronaires, plus d’infarctus, plus d’accidents vasculaires cérébraux, plus de cancers et pas seulement le Kaposi du VIH, mais aussi d'autres cancers, que ce soit les poumons qu'on ne pensait pas être associé au VIH. Et tout à coup, on réalise que ce virus en fait, il est toxique, pas seulement en termes de maladies opportunistes, mais il augmente le risque aussi de faire autre chose. Et pour moi, ça, c'était la deuxième révolution où tout à coup on a réalisé qu'il fallait traiter peut-être plus précocement les personnes vivant avec le VIH alors qu'on avait ces fameuses seuils de CD4, on attendait 350, 250 CD4 pour dire ce qu'on peut attendre.
David Jackson-Perry: 1250 en Angleterre.
Matthias Cavassini: Oui, et donc… et tout à coup, il a fallu attendre encore quelques années avant de réaliser que pour l'individu comme pour la population, en fait, il fallait traiter le plus tôt possible et tout le monde efficacement. Mais ceci a été aussi favorisé par le fait que les nouvelles molécules sont quand même nettement mieux tolérées, il y a moins de toxicité, il y a moins de lipodystrophie et…
David Jackson-Perry: Donc on peut les prescrire avec…
Matthias Cavassini: …avec sécurité. Et donc ça, c'est vraiment une belle révolution aussi.
David Jackson-Perry: Donc revenons alors sur cette question de vieillissement. Merci d'avoir repris de parler de cette question de toxicité, donc les personnes vivant avec le VIH vieillissent. Bonne nouvelle, je pense l'âge médian des personnes vivant avec le VIH en Suisse aujourd'hui est 53, 54 ans, quelque chose comme ça. Mais alors, comment est-ce que les personnes vivant avec le VIH vieillissent?
Matthias Cavassini: Alors il y a eu en effet, avec le début de 2010, on disait qu’il y a peut-être un vieillissement accéléré à cause du VIH et donc beaucoup d'études se font maintenant sur les personnes vivant avec le VIH vieillissantes. Le savoir est-ce que leurs organes vieillissent plus vite que ceux de la population ne vivant pas avec le VIH, que ce soit le cœur, que ce soit la tête, que ce soit les os. Et je dirais que le pendule, le balancier est en train de revenir un petit peu dans une norme plutôt rassurante. On était d'abord très alarmiste et d'ailleurs il y eu beaucoup de corps qui ont été créés sur le vieillissement des personnes vivant avec le VIH, en se disant il faut qu'on mesure le vieillissement, est ce qu'il n'est pas plus accéléré? Et on a réglé cette pente de vieillissement, cette fameuse pente, et franchement de plus en plus les experts commencent à réaliser que lorsque la personne est traitée, et bien traitée, qu’elle a accès à un traitement antirétroviral efficace, qu'elle est indétectable, que cette pente n'est pas différente de la population générale et donc qu'il n'y a pas une accélération du vieillissement. Et ça c'est une nouvelle qui est encourageante. Par contre, ce que l'on réalise, c'est que toutes les comorbidités, que ce soit les comorbidités et les comportements à risques qui favorisent une accélération du vieillissement que sont le tabagisme, les excès de drogue ou d'alcool, ceci est délétère pour l'individu. Mais ceci est valable pour tout le monde. Et je dirais que c'est une bonne nouvelle de réaliser qu'en fait… que les personnes vivant avec le VIH maintenant on doit vraiment s'inquiéter de s'occuper aussi de tous les problèmes de santé globaux et de comportements de prévention, activité physique, sport, mouvement, de s'occuper de leur moral, de leur tête, de ce qu’on sait de l'impact de la santé mentale sur l'organisme, elle est bien connue aussi, de bouger, d'avoir une activité professionnelle. Tout ce qui fait du bien-être des individus est important. La santé sexuelle aussi est importante. Donc c'est une prise en charge qui devient de plus en plus holistique et plus infectiologique, ciblée sur la trithérapie, les CD4, la virémis, avant ça se résume à cela. Et maintenant on sait qu'on ne peut pas se résumer à CD4, virémis, mais on doit s'intéresser aux articulations, au cœur, à la tête, au moral, à tout le reste et à la prévention et à tout bilan cardiologique qui est préventif, nécessaire.
David Jackson-Perry: Je suis content que tu viennes sur le terrain de la santé mentale parce c'est vrai que… j'ai l'impression que plusieurs des facteurs que tu mentionnes, tels que le tabagisme, tel que l'utilisation de substances, sont aussi quand même liés avec… voilà avec… comment est-ce que je gère ma santé mentale après peut-être 20, 30 ans de vie avec une maladie chronique?
Matthias Cavassini: Absolument, absolument… et pour tout le monde la nicotine ou les drogues ou l'alcool, c'est une thérapie, c'etait parfois un antidépresseur ou on encourage une thérapie en cette fonction.
Les gens apprécient ces substances parce qu'elles ont un effet psychologique qui est bien réel. Après, lorsqu'il y a un abus, évidemment, c'est un cercle vicieux qui est plutôt délétère, mais c'est important de reconnaître que tout est lié et qu'on ne peut pas séparer les choses un peu dans des silos. Est-ce que la personne vivant avec le VIH me dit lorsqu'elle vient à la consultation, elle me dit mais c'est vous qui me connaissez le mieux. Donc chaque fois que je parle à mon médecin traitant, mon généraliste de tel problème, il me dit il faut voir avec le CHUV. Ce qui est évidemment triste parce que j'aimerais bien que les médecins généralistes réalisent que les personnes vivant avec le VIH, elles ont aussi le droit d'avoir accès à une médecine générale classique et qui considèrent les facteurs de risque cardiovasculaire, la prévention des cancers, tout le bilan qui doit être fait comme pour monsieur ou madame tout le monde, et que s'ils viennent avec ces questions, il ne faut pas les renvoyer au CHUV chez le spécialiste infectiologues, parce que clairement ce n'est pas mon travail stricto sensu.
David Jackson-Perry: Alors, donc il faut croire que les généralistes ne se sentent pas forcément à même de répondre bien à ces questions. Et donc me vient qu'en fait ton rôle, toi infectiologue, avec cette population vieillissante, est-ce que ça a un impact justement dans ta prise en charge clinique? C'est à dire que par exemple est ce que tout le monde a un généraliste ou est-ce que les gens se servent de toi entre guillemets aussi qu'en tant que généraliste, est-ce que tu te trouves à devoir faire des réseaux etc. Aller au-delà de ton seulement mandat d'infectiologue?
Matthias Cavassini: Oui, alors il y a les deux, c'est vrai, il y a les deux scénarios, certaines personnes m'ont pris comme généraliste de facto parce que ça fait longtemps qu'ils sont avec moi et ils ne veulent pas me quitter et ils ne veulent aller que chez moi, même pour les questions médecine interne. Mais je dois aussi connaître mes limites et je pense important que les spécialistes aussi reconnaissent leur spécificité et encouragent le patient ou la personne vivant avec le VIH à aussi voir son généraliste et accepter que la prise en charge soit pluridisciplinaire. Parce qu'à mon avis, si elle est bien faite, elle est meilleure que si elle est faite que par une seule personne.
David Jackson-Perry: Mais si j'ai bien compris en fait dans l'exemple que tu as donné, en fait c'est le généraliste même ou la généraliste même qui se sent pas adéquat ou adéquate.
Matthias Cavassini: Alors je ne vais pas leur jeter la pierre parce qu'il y a quand même aussi des situations où des généralistes acceptent de jouer ce rôle et où ça se passe très bien. J'ai en tête d'ailleurs en ce moment un de mes patients qui est hospitalisé pour un problème qui n'a rien à voir, alors je dis rien avec le VIH, parce qu'il a fait un problème cardiaque et il est un gros tabagique et il n'arrive pas à arrêter de fumer. Et lui, typiquement, il est suivi aussi par un médecin généraliste qui est excellent et avec qui j'échange des e-mail à chaque consultation. Il a une liste de communications. La trithérapie c'est, je crois, deux comprimés pour lui. Et puis par contre il a à peu près dix comprimés qui concernent d'autres pathologies cardiovasculaires et métaboliques.
David Jackson-Perry: Donc c’est… pour les pharmacologies on fait état souvent parmi les gens qui sont suivis chez nous.
Matthias Cavassini: Absolument, avec le danger des interactions et donc cette collaboration avec le généraliste ou le neurologue. J'ai aussi un autre patient que j'ai en tête qui maintenant avec son… il a passé 75 ans et actuellement il commence à souffrir de la maladie de Parkinson. Donc il a un neurologue, il a un généraliste, il a un infectiologue, on l'envoie faire son bilan osseux aussi pour l'ostéoporose. Enfin c'est vrai que ça devient complexe, mais la médecine elle est complexe, elle se spécialise, elle a beaucoup de prestations et je pense que les personnes vivant avec le VIH vont au cours du temps réaliser qu'ils ont besoin de plus que d'un médecin pour s'occuper d’eux.
David Jackson-Perry: Ce qui impliquerait quand même une certaine sensibilisation de certains de nos collègues, non?
Matthias Cavassini: Absolument. Et je pense que c'est le but des formations continues que j'ai le plaisir d'organiser depuis longtemps avec les médecins de premier recours ou des collègues spécialistes. Alors c'est vrai qu'à Lausanne, je me sens très privilégié parce qu'on a toujours une excellente collaboration avec le service de psychiatrie de tout temps, et on a maintenu ceci même avec l'arrivée des trithérapies. Ce n'est pas qu'on a dit, ah, maintenant il n’y a plus besoin de soutien psychologique. Donc on a nos collaboration, on a des réseaux réguliers avec les psychiatres, on a des réseaux réguliers aussi avec les neurologues, aussi parce que j'ai un intérêt de recherche sur le neuro VIH et les spécialistes des os sont aussi tout à fait ouverts à collaborer à des essais cliniques où on s'intéresse à l'ostéoporose. On fait dans cette maîtrise osseuse, donc ils ont aussi un intérêt après clinique à suivre les personnes chez qui l’on diagnostique de l'ostéoporose. Donc les spécialistes des os sont tout à fait ouverts à cette collaboration. Autant on a fait des progrès, tu le sais bien, sur la prise en charge de l'espérance de vie, les molécules, la science a avancé. La compréhension du virus a fait des bonds extraordinaires en 30, 40 ans. Autant les peurs viscérales des individus face à une maladie infectieuse, et on peut le voir aussi avec le Covid. Beaucoup de mes patients me disent l'épidémie Covid a rappelé des énormes craintes du passé, de stigmatisation, d'exclusion, d’isolement, de vouloir taguer les personnes, faire ce dépistage, de vouloir les mettre…, de les isoler de la société. Enfin, toutes ces craintes, elles sont revenues avec le Covid et c'est encore ça, c'est de nouveau acutisé avec la variole du singe et… qu'on n’a d'ailleurs plus le droit d'appeler maintenant enfin la variole du singe. J'ai oublié le nom que le webmaster m'a donné. Mais c'est vrai que ces peurs-là, elles sont très difficiles à… je dirai, à… Elles sont…, elles sont… les gens lorsqu'on leur dit que ce n'est pas adéquat, ils vont toujours avoir une justification qui à leurs yeux paraissait tout à fait rationnelle. Et lorsqu'on les confronte en fait à cette rationalité, ils réalisent que lorsqu'ils réfléchissent à haute voix, en effet, ça ne faisait pas de sens.
David Jackson-Perry: Donc là on se trouve à la limite de la rationalité et l'irrationalité sur ce même sujet. Et je sais que pour toi, la question des croyances spirituelles, y compris dans la prise en charge clinique, est une question importante. On a d'ailleurs mis en place un atelier d'éducation thérapeutique dans ce domaine à ta suggestion. Hum. J'avoue que pour moi c'est un peu inconnu tout ça. C'est vrai que pour moi je ne comprends pas la place de la spiritualité dans la consultation ou dans la chambre de consult. Est-ce que tu peux m’éclaircir ?.
Matthias Cavassini: Avec plaisir. Alors si tu avais été un de mes patients, admettons que tu arrives à la consultation avec un nouveau diagnostic vierge, il est vrai que j'ai instauré depuis longtemps et encouragé les médecins, lors de la première consultation déjà, à s'enquérir d'une anamnèse spirituelle ou une anamnèse sur les croyances, c'est à dire questionner l'individu de nouveau dans une prise en charge holistique complète, de se dire mais en fait, je vais devoir lui prescrire un traitement qui est un traitement chimique, médicamenteux, des comprimés à prendre à vie pour une infection chronique. Il serait peut-être important de savoir, mais en fait lui, il fonctionne comment lorsqu'il est malade, que ce ne soit pas une maladie aiguë ou une maladie chronique, des céphalées chroniques ou des un côlon irritable, que sais-je?, il se tourne vers quel type de médecine pour se soigner ? Donc quand je mets spiritualité, je mets croyance et aussi registre de croyance, donc comment tu te soignes? Donc il y a c'est fake news, c'est complotisme qui est présent. Et donc je vais simplement poser la question lorsque vous avez des coups durs ou lorsque vous êtes malade, c'est quoi votre moyen de vous soigner? Et ce qui me fait plaisir avec cette question, c'est qu'en fait ça renforce mon lien thérapeutique avec la personne. Parce que la personne tout d'un coup elle sent que je m'intéresse en fait, et je suis ouvert à ce qu'elle me dise. Mais moi, je ne crois pas trop àux médicaments, je préférerais avoir un autre type de médecine et surtout, ça me permet de le dire, alors si vous voulez prendre des médecines alternatives, c'est très bien, mais informez moi quel type et à quel fin ce serait capable d'interaction si elle va prendre les médicaments et puis surtout si elle souhaite prendre que de la médecine alternative ou que de la spiritualité, que de la prière, eh bien on va essayer de valider, de voir est ce que ça marche son traitement. Et l'important pour moi c'est de garder le lien thérapeutique. Et si quelqu'un me dit : Dieu va me guérir, je n'ai pas besoin de votre traitement, et bien, je dis très bien, mais restons en lien et vérifions avec des prises de sang que le taux de CD4 monte que la virémie baisse grâce à la prière de votre église ou de votre communauté. Et ce qui m'attriste, c'est que souvent je suis le premier médecin à poser cette question aux personnes vivant avec le VIH. Et lorsque je… j’y vois à chaque fois le même regard étonné de dire : mais en fait, pourquoi vous me posez cette question? Et quand je leur explique exactement comme je le fais maintenant pour dire : mais vous allez prendre des médicaments, il faut que je sache si c'est compatible avec vos croyances ou pas. Ils l'acceptent, ils le comprennent, et ça renforce le lien et ils savent qu'il y a une ouverture à me dire : en fait, je ne crois plus à vos médicaments, j'ai besoin de tester autre chose. Et je pense que c'est très… c'est important et je me réjouis de cet atelier qui aura lieu prochainement dans moins de dix jours. Qui va venir et quels vont être les partages entre les personnes vivant avec les VIH? Parce que, vois, j'espère qu'il y aura… quelle que soit la croyance en fait, cette croyance, elle peut être un soutien à la trithérapie ou un ennemi à la trithérapie. Et moi je trouve assez fascinant de voir que des personnes qui vont des fois dans les mêmes communautés me disent : Je rends grâce à Dieu tous les jours parce que j'ai accès à un traitement, mais une autre personne va dire : En fait, je n'ai pas besoin de votre traitement parce que Dieu me dit que je dois arrêter le traitement parce qu'il va me guérir. Alors que ces gens ont le même Dieu comme ils le comprennent, et en fait, ça peut-être un soutien ou au contraire une barrière à la prise du traitement.
David Jackson-Perry: Et donc tout pour toi et dans le… Gardons ouvert la discussion.
Matthias Cavassini: Absolument, restons en lien. Et c'est la même chose pour l'adhésion thérapeutique de croire que parce qu'on a une infection qui avant était mortelle, parce qu'on pose ce diagnostic, tout le monde va prendre parfaitement son traitement parce qu'ils sont motivés à dix sur dix pour le prendre. C'est un raccourci qui ne fait pas de sens. L'être humain n'est pas fait… n'est pas un robot et on essaie, il y a des choses qui sont de nouveau dans l'irrationnel. Et lorsque je parlais avec une de mes filles que je disais je suis triste parce que j'ai vu une maman qui a arrêté son traitement alors qu'elle est responsable de deux ou trois enfants. Et ça offusquait ma fille aînée qui me dit mais comment cette maman peut arrêter la trithérapie, c'est un scandale! Je dis mais non, ce n’est pas un scandale, c'est viscéral, c'est difficile pour elle d'avaler ces comprimés, le médicament lui rappelle la maladie, c'est dur psychologiquement. Oui, mais enfin, il faut quand même qu'elle vive. Je dis oui, mais elle ne se sent pas en danger de mort en ce moment. Elle va bien. Et puis, quand elle prend le médicament, elle a peut-être des effets secondaires, peut-être parce qu'elle ne l'accepte pas psychologiquement. Et donc les effets secondaires pèsent plus lourd que la peur de la maladie. Et donc il y a tout ce débat sur l'adhésion aussi, qui est fascinant.
David Jackson-Perry: C'est très intéressant pour moi, parce que tu as un discours qui à mon sens ressemble plus à un discours des infirmières spécialisés chez nous que ce que j'attendrais normalement d'un médecin. C'est à dire que ce n'est pas prescriptif en fait, c'est de retrouver la personne là où elle est…
Matthias Cavassini: …et l'accompagner. Moi je pense que les soignants, qu'ils soient médecins ou infirmiers ou physiothérapeutes ou ergothérapeutes, sont là pour accompagner la personne là où elle veut aller. Et le mieux que l'on peut, en créant une ambiance qui soit le plus constructif et surtout, oui, qui se passe bien. Et pour moi, il serait que le plus beau cadeau que me font les personnes avec le VIH ou pas. Mais dans mes patients, c'est lorsque le merci d'une fin de consultations ou le merci d'une fin d'hospitalisation ou ces petites cartes à Noël qu’ils vous envoient, c'est ça qui touche. C'est de voir qu'il y a… tout d'un coup on n'est pas simplement un médecin avec une blouse blanche, mais il y a… on sent que derrière ce petit carte de vœux, il y a un message qui cherche l'amitié, qui cherche… qui va au-delà de la relation professionnelle.
David Jackson-Perry: Alors cette discussion sur la relation, je pense qu'on pourrait en parler pendant des heures.
Matthias Cavassini: Et ce n'est pas spécifique au VIH, on est bien d'accord.
David Jackson-Perry: Clairement oui.
David Jackson-Perry: Outro Part 1
